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mercredi 6 avril 2011

Enfants dans leur dernier visage

Le 6 avril est une date anniversaire douloureuse dans la région lyonnaise. Le 6 avril 1944, la Gestapo de Lyon commandée par Klaus Barbie, le tortionnaire de Jean Moulin, arrêtait à Yzieu, à la frontière entre les départements de l’Isère et de l’Ain, quarante-quatre enfants et leurs sept éducateurs au seul motif qu’ils étaient juifs. Quarante-deux des enfants et cinq des adultes furent gazés dans le camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau. Des sept éducateurs, un seul retourna en France après la déportation. Onze mille enfants juifs de France ont été déportés durant la Deuxième guerre mondiale, et moins de cent sont revenus.

Ces chiffres glacent. Cette note aussi, adressée le 6 juillet 1942 à Berlin par Théo Dannecker, le chef de la section anti-juive de la Gestapo en France, qui avertit ses supérieurs que “le président Laval a proposé, à l’occasion de la déportation des familles juives de la zone non occupée, de déporter également les enfants de moins de seize ans.”

J’ai visité récemment la maison des enfants d’Yzieu située dans le hameau de Lilenaz et transformée en lieu de mémoire. Tout y est ordonné gravement mais sans ostentation pour décrire le quotidien de ce refuge et lieu de vie brisé par l’irruption du Mal. Si n’était la dimension du drame, on observerait paisiblement, depuis le promontoire où elle est juchée, les reliefs du Bugey sertis de pierres blanches et de maisons aux toits débordant largement des façades. Le Rhône qui passe dans la vallée en profite pour dormir presque. Un paradis de la campagne française ! Les plus petits avaient cinq ans, le plus âgé dix-sept. Si vous passez par là, arrêtez-vous ! Ce n’est pas un lieu à décrire. C’est un lieu où entrer. Le regard et la pensée prennent la mesure d’un crime contre l’humanité. Travaux d’élèves, lettres d’enfants attendant de pouvoir retrouver un jour les leurs...

Je veux rappeler deux autres chapitres moins connus de l’histoire des enfants sacrifiés par la folle idéologie national-socialiste nazie; des enfants espagnols réfugiés en France. À Oradour-sur-Glane, village martyr incendié le 10 juin 1944, les bébés jumeaux Astor et Paquita Serrano Pardo figurent parmi les 642 personnes massacrées. Ils étaient nés l’année précédente à Limoges. Un événement singulier survint le 20 août 1940 à Angoulême (Charente): 927 républicains espagnols réfugiés, hommes et femmes de tous âges, enfants, furent embarqués dans un train pour le camp de concentration de Mauthausen. Il s’agit du premier convoi de civils partis de France pour les camps. Le convoi atteignit le camp autrichien le 24 août. 470 hommes furent sélectionnés, le plus jeune était âgé de 13 ans. Les autres furent renvoyés à Franco.

À Yzieu, on pense à tous ces enfants dans leur dernier visage. Yzieu, Oradour, Mauthausen.